Génie de Conception

Automobile En Vedette
Une course pas comme les autres

Pour bolides mesurant de 1 et 3 nanomètres.

avril 8, 2022
par Pierre Deschamps


(Photo credit: Empa)

Depuis presque le tout début de l’automobile, des compétitions ont été organisées pour déterminer qui était le plus rapide. Ce n’est donc pas d’hier que des bolides s’affrontent sur des circuits routiers ou des circuits réservés à ce sport.

Outre la Formule 1, il y a bien quelques épreuves de légende comme les 24 heures du Mans, les 500 milles d’Indianapolis, les Mille Miglia, la Carrera Panamericana, le Rallye Dakar. Et quelques pilotes hors du commun dont le temps n’a pas effacé le nom : Sterling Moss, Jim Clark, Juan Manuel Fangio, Michael Schumacher, Niki Lauda, Ayrton Senna, Jochen Rindt, Gilles Villeneuve.

La course dont il sera ici question est toutefois d’une tout autre nature. Les bolides, les pilotes, le circuit, tout est différent. Les moteurs ne vrombissent pas, les foules n’accourent pas, les accidents ne font aucune victime humaine, les commanditaires des différentes écuries n’apposent pas leur nom ou leur logo sur les voitures. Qui plus est, nul spectateur n’assiste vraiment à l’événement.

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En fait, il s’agit d’une course qui rassemble des nanocars – on dit aussi molécule-machine, molécule-voiture, machine monomolécule. Ces « bolides » sont équipée d’un châssis, de roues, et éventuellement d’un « moteur ». On les appelle nanocars parce que leur taille, entre les roues ou la longueur du châssis, mesure de 1 et 3 nanomètres. Ces voitures sont donc environ un milliard de fois plus petites qu’une voiture de Formule 1.

Pour la petite histoire, mentionnons que la première compétition de nanocars de l’ère moderne s’est déroulée avril 2017 au CEMES (Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales) de Toulouse, en France. D’une durée de trente-six heures, elle réunissait quatre engins qui roulaient chacun sur « un médaillon d’or de 8 millimètres de diamètre, le tout sous ultravide (10-10 millibars) et dans l’ultrafroid (environ 4 kelvins) », précisait à l’époque Christian Joachim, directeur de recherche au CNRS et organisateur de l’événement.

Pour construire de tels bolides, souligne-t-il, « il faut commencer par le concevoir, puis dessiner sa structure chimique atome par atome, une étape conduite par des chimistes théoriciens, en collaboration directe avec des chimistes de synthèse et des physiciens des surfaces.

Il faut définir où se placent les roues, les axes des roues, le châssis… Tout ce travail se construit dans un mouvement de va-et-vient entre celui qui dessine la molécule, celui qui la synthétise et celui ou celle qui va calculer ou simuler par ordinateur la “mécanique” de cette molécule une fois déposée sur une surface. Ensuite, c’est au tour des chimistes de synthèse de se mettre au travail ».

Cela dit, « quelle que soit la structure chimique de la nanocar, le châssis reste une structure incontournable. En rehaussant toute la structure moléculaire sur laquelle viennent se fixer les roues, les pales ou les pattes, le châssis permet ainsi de diminuer les interactions de la molécule-voiture avec la surface de la piste ».

La nanocourse s’inscrit d’ailleurs dans un projet européen qui a pour nom FET OPEN MEMO (Mechanics with Molecules). Lancé en octobre 2017, ce projet a pour objectif « de construire et de tester des machines monomolécules sur une surface une à la fois, en contrôlant la rotation et le travail fourni par un seul moteur-molécule directement à l’échelle atomique. MEMO créera la première feuille de route de la miniaturisation des machines mécaniques ».

La deuxième compétition du genre, organisée à nouveau par le CNRS, sous la gouverne toujours de Christian Joachim, a eu lieu les 24 et 25 mars dernier et réunissait huit équipes internationales venues d’Europe, d’Asie et d’Amérique. Les huit molécules-voitures engagées dans cette épreuve sont visibles sur la photo qui coiffe le présent article. Elles ont toutes des caractéristiques particulières.

Comme l’explique Christian Joachim, « certaines molécules-voitures, à l’image de celle de l’Institut de chimie de Strasbourg, sont dotées de deux roues et d’un châssis central. D’autres, comme celle de l’équipe espagnole de l’Instituto Madrileño de Estudios Avanzados (IMDEA), possèdent quatre roues intégrées à un châssis.

Les molécules-voitures des équipes japonaise et franco-japonaise disposent quant à elles de deux roues pourvues de pales et d’un pied situé à l’arrière pour prémunir leur châssis d’un écrasement sur la surface de la piste. Un petit groupement chimique situé à l’avant de la molécule permet en outre d’embarquer un moment dipolaire sur le châssis. Le prototype de l’université de l’Ohio est doté de deux énormes roues ancrées sur un étroit châssis ».

Plus précisément, souligne-t-il, « en équipant leur nanocar d’un moment dipolaire, la plupart des équipes espèrent parvenir à l’orienter dans une direction précise en utilisant le champ électrique entre la pointe du microscope STM et la surface du circuit. Le moment dipolaire offre aussi la possibilité d’attirer la voiture avec la pointe du microscope lorsque cette dernière est placée à bonne distance ».

Après une course « passionnante et mouvementée » de vingt-heures heures, deux équipes ont été proclamées vainqueurs : NANOHISPA (Espagne – Suède) et NIMS-MANA (Japon), qui ont toutes deux réalisé des distances élevées et un certain nombre de virages, un critère incontournable.
https://nanocar-race.cnrs.fr/
https://lejournal.cnrs.fr/
https://www.memo-project.eu/flatCMS/
https://www.nature.com/nnano/
https://www.ouest-france.fr/


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